vendredi 28 octobre 2011

ba-da-bing (3)

De nouveau la suite de ce feuilleton haletant, comment cela va-t-il se terminer ?? Ah, ah. Lisez la suite :

Bon par où commencer cette nouvelle note sur un de mes albums préférés de tous les temps ?  Continuer l'histoire de Talk Talk au  moment où ils vont enregistrer spirit of eden ? Pourquoi pas ! Allez, hop, c'est parti : Hollis et Griene, devenus les véritables têtes pensantes de Talk Talk, se sont mis dans le crâne de ne plus se répéter. Pour cela ils engagent un nouveau producteur, Phil Brown, connu pour avoir produit Hendrix, Led Zep, Marley. Changent leurs méthodes d'enregistrement (en gros, dans une ancienne église au nord de Londres avec pour seul source de lumières une rampe de spots s'allumant au rythme de la batterie de Lee Harris et un projecteur à huile pour la pièce de contrôle.). L'enregistrement dura 9 mois, dans l'obscurité, déformant la notion d'espace temps, créant une ambiance étrange. Leur méthode de travail aussi : Griene et Hollis enregistrent le travail des musiciens puis effacent 99% de la bande eux compris. Ne gardant finalement que ce qui leur convenait au prix de frustrations énormes pour les autres musiciens. Moralité : en 88 sort l'un des plus beaux albums de tous les temps (enfin de mon humble point de vue). Ni pop, ni jazz, ni rock, ni classique mais tout cela à la fois. Je me souviens que les premières écoutes en 88 m'ont littéralement happé. Comprenez moi bien: passer des Pogues, Tracy Chapman, Sade ou Prince période lovesexy à spirit of eden, il y a un abîme dont je ne me suis jamais remis. Déjà en découvrant les morceaux derrière la pochette je me disais : putain six titres, ils se sont pas foulés !!! Quand j'ai ouvert le disque (un vinyle que j'ai toujours, en parfait état) et que j'ai regardé la première face, ne voyant aucune coupure entre les morceaux, ça m'a plutôt surpris. C'était aussi le premier disque que j'avais enregistré en DMM ( direct metal mastering, procédé assurant une meilleure qualité de son aux vinyles) avec un son nickel. Bon, en le posant sur la platine, là j'ai eu un de mes premiers grands chocs musicaux. Le genre qui vous fait entrer dans une autre catégorie : on passe de l'auditeur distrait, futile, celui qui écoute avec enthousiasme mais sans véritable passion Toni Childs ou Jeff Healey Band à celui de mélomane averti, passionné voir acharné qui ne comprend pas pourquoi un de ses groupes préférés ne vend rien mais a le sentiment intime d'avoir touché du doigt un moment unique, un graal musical. C'est exactement ce qui m'est arrivé à 15 ans lors de la sortie de spirit of eden. J'ai eu le sentiment de devenir quelqu'un de plus intéressant, d'à part (musicalement parlant hein !). J'adorais un disque auquel personne ne s'intéressait, dont personne n'avait entendu parlé et chaque fois que je pouvais le faire écouter à des amis, je savais que ceux-ci seraient pour la plupart retournés par ce qu'ils venaient d'entendre. Ceux qui n'appréciaient pas devenaient des cons, des personnes inintéressantes (qu'est ce qu'on peut être con à cet âge là !!) qui ne méritaient pas que je m'intéresse à eux. Je me rendais aussi compte que question musique je devenais une sorte de paria, le mec qui écoute de la musique bizarre. Mais je dois avouer que je m'en foutais royalement, j'étais sur d'être dans le droit chemin. L'avenir ne m'a pas donné tort de ce point de vue là : 21 ans après je le réécoute avec toujours autant de frissons et je suis toujours persuadé qu'il s'agit là d'un des 10 albums que j'emporterai dans ma tombe.

Alors de quoi il retourne ? hein ? de 6 morceaux découpés en 4 ou inversement. En fait une première face de 23 mns en trois parties et une seconde avec 3 véritables morceaux, d'une durée approximative de 5 mns au minimum chacun. La première face the rainbow déploie en effet toutes les couleurs qui peuvent être décrites dans la musique, toutes les teintes allant de la spiritualité, l'apaisement à la rage destructrice, au vacarme le plus fou (desire en est un bel exemple.), déchire littéralement ceux à qui il restait un espoir d'entrevoir une chanson pop, un refrain ou quelque chose de ce goût là. Non Talk Talk balaie d'un revers de la main cette tentation et impose Sa vision de la musique : profonde, mystérieuse, exigeante, d'une cohérence incroyable malgré les conditions d'enregistrement, flirtant de plus en plus avec le silence, en faisant le principal acteur de ce disque (ainsi que du prochain), ayant plus à voir avec le classique, allant au bout du bout de sa démarche jusqu'au-boutiste. Au début de the rainbow, Hollis murmure plus qu'il ne chante, se confie. Au fur et à mesure des 23 minutes, à mesure que la tension monte, le ton de la voix suit le même chemin et finit par hurler au-dessus d'un vacarme assourdissant : that ain't me babe". C'est peut-être pas toi mais en tous cas tu viens d'inventer avec ce morceau de 23 mns un courant qui va faire fureur dans les années 90 : le post-rock. L'art de l'épure, des montagnes russes (tension-calme-tension ) dont saura si bien se servir GodSpeed!, tout vient de là. On a donc une première face violente, tendue à l'extrême, passionnante, longue et rock on aura droit à une seconde complétement opposée mais tout aussi passionnante. Calme, jazz, empreinte de religion, de recueillement,  plus courte presque d'un format pop mais évitant ce chemin à tout prix. Introspectif dans ses paroles abordant des thémes le touchant de près (drogue, mort, spiritualité), Hollis paraît beaucoup plus touchant mais aussi absent s'en allant sur la pointe des pieds avec un wealth touchant au sublime. De toutes façons,de mon point de vue bien sur, tout dans cet album touche au sublime : les choeurs de i believe in you, apportant spiritualité et une émotion rare, l'orgue de wealth qui s'en va peu à peu comme la vie s'en va d'un corps, paisiblement mais surement, le jazz jouant à cache-cache avec le silence de inheritance. Talk Talk finit ici sa mue entreprise lors de the colour of spring, se débarrasse définitivement de ses oripeaux pop pour atteindre une sorte de nirvana, une beauté sublime qu'aucun groupe actuel, toujours à mon humble avis, n'a atteint jusqu'ici. Le pire c'est que trois ans après ils remettront ça avec un laughing stock aussi indispensable et superbe que celui-ci.

Inutile de dire que l'album ne se vendit pas, ses ventes furent catastrophiques et ont permis à EMI de se débarrasser d'eux. Ce qui de toutes façons, arrangea bien le groupe.

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