Souvenez-vous :
1995 : l'année de Bjork (post), Tindersticks (II), PJ Harvey (to bring you my love), Pulp (different class), Swans (the great annihilator), Scott Walker (tilt), Tricky (maxinquaye), Autechre (tri repetae) et pas mal d'autres encore. Au milieu de tous ces mastodontes, sortir un album et se faire remarquer tenait de la gageure, du pari impossible.Soit vous le releviez avec brio en sortant un classique instantané comme a pu le faire Spain avec son magnifique blue moods of , soit vous sortiez les avirons et ramiez en entamant la côte. C'est dans ce contexte un peu hard qu'Isabel Monteiro et son groupe Drugstore ont essayé de sortir leur épingle du jeu en s'imposant via un premier album éponyme. Le groupe anglais réussissait à imposer une personnalité bien trempée, s'affirmant comme une alternative plus que crédible aux américains Mazzy Star le temps de leur premier opus. Psychédélisme bien angliche, voix faisant tout de suite la différence et quelques petites bombes au compteur : superglider, accelerate, speaker 12. Drugstore relève le défi de s'imposer dès ses débuts et se permet même d'avoir un hit sur le second album, white magic for lovers, avec, en guest-star, Thom Yorke. Malheureusement white magic est beaucoup moins consistant que Drugstore et le groupe sort, en 2001, dans une indifférence générale, un songs for the jet set bien terne mettant ensuite un terme à l'aventure.
2011 : Drugstore tente un retour avec anatomy qui sort ces jours-ci. Si la voix d'Isabel Monteiro n'a pas changé toujours aussi belle et prenante, le contenu d'anatomy en revanche ne devrait pas les faire revenir au premier plan, loin de là. Anatomy n'est pas mauvais, qu'on se le dise, mais aucun morceau ne se détache vraiment. Les chansons passent, glissent, sans vraiment accrocher. C'est de la belle ouvrage, joli, parfois ça fonctionne pas mal (sweet chili girl, son intro Moriconnesque en diable, sa tension plus que palpable), c'est plein de guitares acoustiques qui acoustiquent très bien, de pédales wahwah qui wahwahent encore mieux, d'orgues orguant tout ce qu'ils savent mais, car il faut bien un mais, on s'ennuie joliment. "This emptyness is my home, everything that I need" chante t-elle justement sur aquamarine. Cela résume malheureusement le ressenti qu'on peut avoir en écoutant anatomy. Une très belle coquille vide, de belles formes qui rappellent qu'il y a vingt ans Drugstore pouvait être intense (standing still : comme un devil du pauvre, sans la rage des débuts). Mais le temps, ce salaud, peut être d'une cruauté implacable, mettant en avant vos propres défauts, votre propre inconsistance. On peut toujours se cacher derrière certains artifices, se grimer, faire croire qu'on est toujours beau, pimpant, frais, si on gratte un peu le vernis c'est toujours la même chose qui apparaît : l'inexorable patine du temps. La fraîcheur n'est plus (on la remplace par ce qu'on appelle l'expérience, comme pour se rassurer) malgré les formes attirantes. Anatomy c'est un peu ça. Un bel album qui nous rend un peu triste, nous faisant prendre conscience, à l'insu de notre plein gré, que nous sommes des êtres vieillissants, amenés à s'étioler, espérant livrer une dernière et belle bataille avant de rendre les armes. Qu'est ce qu'on peut être con, présomptueux, quand on vieillit.
Ecoute intégrale d'anatomy ici
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