mercredi 15 juin 2011

time is money

Il m'arrive parfois de penser autrement qu'en deux termes : musique, cinéma. Si, si, je vous jure. Il m'arrive même d'utiliser une partie disponible de mon encéphale pour faire une activité rare de nos jours : réfléchir.
Ne vous inquiétez pas, c'est pas souvent que ça m'arrive. Je n'en abuse pas non plus, je laisse ça aux autres, réfléchir m'use. Sans être un génie pour autant, à l'instar de Stéphane Hessel, il m'arrive même de m'indigner. Curieusement, plus j'approche de mon lieu de travail plus les raisons de m'indigner sont élevées. Ça atteint même un paroxysme une fois que j'enfile ma tenue et commence à faire les transmissions avec les collègues. Cette  indignation a tendance à se calmer un peu dans ma voiture sur le chemin du retour. Un peu seulement.
Les raisons de mon indignation ? Elles rejoignent  ce billet sur ce blog.  Je ne sais pas si vous parviendrez au bout de celui-ci sans avoir envie de vous révolter mais ce genre de pratiques est tout à fait courant dans ce métier, et les réflexions envoyées par cette AS à ce tétraplégique, je les ai entendu régulièrement lors de ma carrière professionnelle (je précise pour ceux qui ne seraient pas au courant que je pratique le doux métier d'infirmier).Ne généralisons pas non plus, ce ne sont que quelques brebis galeuses parmi tant d'AS qui ont à coeur de faire leur métier de façon digne. Mais la financiarisation du soin, le management entrepreneurial font qu'on arrive à de telles extrémités. Une douche = une demi-heure à une heure de perdue. Une toilette seulement un quart-d'heure si elle est bien faite. huit à dix minutes si on se dépêche. Time is money, trois quart d'heure de récupéré sur un patient client = 3 clients à faire en plus = meilleure rentabilité de l'entreprise. Le pire c'est que cette logique s'applique autant au privé qu'au public, même dans les EHPAD où on arrive à presser le personnel afin de rentabiliser au mieux l'entreprise. La preuve ? 3 AS pour 35 résidents, une douche toutes les deux semaines dans le meilleur des cas et toilette au lit tous les jours. Et encore, elles sont contentes. Il fut un moment où elles se sont retrouvées à deux pour s'occuper des 35 résidents pendant pas loin de six à huit mois. Alors vous comprenez, va peut-être falloir qu'elles arrêtent de se plaindre ces feignasses. Et lui aussi là, le tétra, une douche par semaine c'est déjà magnifique. Qu'il ravale sa dignité, son désir d'être un être social, qu'il arrête de pondre des notes gauchistes sur son blog et se laisse torcher par un corps infirmier/médical qui ne voit en lui qu'un numéro de sécu parmi tant d'autres. Va falloir qu'il arrête tout de même, c'est un putain de scandale de voir un être humain demander à ce qu'on le traite dignement. En ces temps de rentabilité avoir un discours anarcho-gaucho-humaniste de cet ordre, c'est presque de l'inconscience voire de l'indécence. Je te foutrais tout ça en prison moi.
Bon à l'heure où j'écris cette note, le billet  de ce tétraplégique a fait le tour de la blogosphère et même au-delà. Cet être humain, qui a la "chance" d'avoir toutes ses facultés mentales, va bénéficier d'une indignation collective ma foi fort justifiée. Pour lui l'affaire devrait se régler rapidement. En revanche pour tous ceux qui ne peuvent s'exprimer, qui n'ont pas ce statut, cette reconnaissance, ça va être dur, très dur. L'émotion suscitée par son cas sera, comme toujours, passagère. Il y aura bien une indignation politique polie histoire de bien faire comprendre que oui, nous, hommes politiques, hommes de raison, connaissons ce barbarisme qu'est l'empathie, trouvons cela révoltant. Mais que voulez-vous mon bon monsieur, nous vivons dans un système qui nie jusqu'à l'existence même de l'être humain pour une notion complétement abstraite faite de chiffres sur un bout de papier. On a déjà du mal à s'occuper de cette notion, on nous a fait la crise ces dernières années, alors s'occuper d'un être humain de façon décente ça tend à devenir une utopie. De toutes façons qu'en a-t'on à foutre d'un handicapé qui coûte plus cher à la société qu'il ne rapporte. Manquerait plus qu'en plus, il soit pauvre. Et qu'il cumule le RSA et l'AAH.Auquel cas, je t'enverrai tout ça bosser au moins cinq jours par mois. Ca leur fera les pattes à ces feignasses. Salaud de pauvres tiens.

5 commentaires:

  1. Un Jour, être Pauvre

    Un jour, être pauvre,
    Détaché de tout
    Sans pleurer de rien,
    Sans rire de tout,
    Comme un enfant qui repose
    Dans la vérité des choses.
    S'écarter de tout, sortir,
    Se tenir debout
    Comme un enfant sort du ventre et hurle,
    S'écarter de tout.

    Un jour, être pauvre,
    Détaché du reste,
    De l'autre coté du mur.
    Pas le moindre geste,
    Pas la moindre trace de haine,
    Pas la moindre trace de fêlure, trace de brûlure,
    Le moindre sentiment d'oubli.
    De l'autre coté du mur,
    Pas la moindre trace de fêlure, trace de brûlure,
    Le calme au fond du lac.

    Un jour, être pauvre
    Sur un quai désert,
    Etre un bateau vide.
    Tout le monde à terre.
    Comme un enfant qui repose
    Dans la vérité des choses,
    S'éloigner de tout, apprendre
    A tenir debout
    Sur la mer immense et douce, apprendre,
    A tenir debout

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  2. Je ne suis décidément pas fait pour cette société.

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  3. Magnifique Manset as usual. Seb, c'est bien.
    Et t'inquiètes pas Esther, je ne me sens guère à ma place non plus dans cette société de merde.

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  4. le truc qui me fait tenir le plus souvent, c'est de me dire que les gamins que j'éduque ne devraient déjà pas être racistes et devraient être attentifs aux autres. ou disons que je me rassure comme ça parce qu'ils le deviendront peut être en grandissant...
    où est la corde?

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