Pour ça, va falloir que je sorte l'artillerie lourde, que je range ma connerie au placard et que j'utilise mon temps de cerveau disponible pour dire le bien que je pense d'un disque sans paraître trop con parce que je sais pertinemment que l'auteur du dit disque (belle formule n'est-il pas ?) va me lire et me vouer aux gémonies si je lui dis simplement : j'aime beaucoup ce que vous faites (ou pas).
Or je sens que je vais me faire jeter comme un malpropre car oui, Delphine Dora (maintenant vous comprenez une partie de mon titre de note d'une rare subtilité), j'aime beaucoup ce que vous faites. Je viens de télécharger a day in contrast, votre nouvel album sorti le 24 mai dernier (en téléchargement libre, je précise.Je ne tiens pas être assimilé à un pirate de la pire espèce, mon sens de l'honneur s'en trouverait pour le moins froissé. ) et je dois avouer que ça m'a quelque peu retourné. Bon morning sun à la première écoute, ça l'a fait moyennement. Pour tout dire la voix m'a chiffonné. Disons que j'apprécie moyennement voir peu certains accents Joséphine Fosterien de la chose, je la préfère quand elle prend une direction Julie Doironienne. Néanmoins musicalement parlant, ça tient parfaitement la route. On retient de morning sun une douce cacophonie parfaitement maîtrisée, comme une séance d'accordage des instruments avant la générale, ça part dans tous les sens, c'est limite bordélique mais tout en douceur. On comprend qu'avec morning sun, on va entrer dans un disque qui flirtera avec le classique (faut pas être sorti de St Cyr pour le comprendre non plus hein ). Ce à quoi on ne s'attend moins en revanche c'est à la direction que va prendre ce disque. Classique certes mais ça peut très bien tourner vers une pop légère à la Divine Comedy ou vers quelque chose de sombre à la Tindersticks.Pas du tout, a day in contrast lorgne vers d'autres compositeurs, d'autres rivages. Ici sur road to nowhere ou the violence of storm, ce sont les miniatures de Satie via le drukqs d'Aphex Twin qui s'invitent, là sur an infinite sadness c'est max Richter ou encore Star Of The Lids voir Michael Nyman qui déboulent sans crier gare. Le résultat est pas loin d'être vraiment bluffant. J'émettrai quelques réserves aussi sur meditations on landscape, morceau un peu trop démonstratif à mon goût, agaçant car le très beau alterne avec une sensation de vide, de technicité qui me rappelle les disques de Sylvain Chauveau.En revanche prayer to the immensity, qui conclut cet album, est impressionnant. Delphine Dora expérimente, chante dans une langue inconnue de mes esgourdes, invente avec peu de choses (un piano, un violoncelle) un paysage désertique, glacé, effrayant par moment, proche, très proche de certains morceaux du premier album de Cynthia Dall ou du free folk du dernier Fursaxa. Pas moins. Voyez le niveau de la chose donc.
A l'écoute de a day in contrast, on comprend que Delphine Dora n'a pas la prétention de vouloir faire un CO, c'est clair. Son disque, malgré cette froideur apparente, est terriblement humain, fait de fulgurantes beautés et d'imperfections. Un disque modeste qui ne cherche en aucun cas l'esbroufe mais s'aventure à pas de loup vers des paysages peu visités par des musiciens français actuels. Elle se présente doucement, à son rythme, plus crédible qu'un Sylvain Chauveau (encore lui me direz-vous), comme un alter ego français de Max Richter. Reste à savoir deux choses : quels territoires Delphine Dora aura envie d'explorer (Dora, explorer, vous comprenez ??) dans ses prochains disques et surtout espérer qu'elle ne se repose pas sur ses lauriers en ayant trouvé une formule qu'elle déclinera à l'infini comme Max Richter peut le faire dans ses derniers disques. C'est tout le mal qu'on peut lui souhaiter. En attendant a day in contrast est une belle surprise qui a réussi au moins une chose chez moi : me donner l'envie d'y retourner. C'est pas loin d'être énorme.
Pour écouter/télécharger a day in contrast, allez faire un tour ici
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