Et si on continuait dans la mouvance world ?
Non parce que parler rock, métal, pop c'est bien sympa mais faut bien comprendre qu'il y a autre chose dans la vie que ces musiques de dégénérés, de hippies, de frustrés ou de dégénérés hippies frustrés. Il y a un autre monde qui ne demande qu'à s'ouvrir à la population de sourdingues dont vous faites parti. Enfin, si vous lisez mes tissus de conneries de façon habituelle, c'est que vous faites parti des rares élus que j'aurais réussi à sauver, convertir ou les deux à la fois. Mon écriture, savante, littéraire, précieuse, d'une puissance salvatrice inégalable, aura au moins eu une utilité dans ce bas monde.
Bon trêves de divagations existentialistes inintéressantes et particulièrement cons, passons aux choses sérieuses.
La réunion malienno-cubaine d'afrocubism l'an dernier ne t'a pas trop réconcilié avec le mouvement world ? Comme moi tu as trouvé ça mou du genou, chiant, pour tout dire sans intérêt. Tu t'es pris à regretter le temps béni de Buena Vista Social Club, où la musique exhalait des flagrances de havane fumé dans un bouge mal famé sentant le stupre, la luxure et la gérontologie assumée. Sache que ce temps béni est de retour grâce au premier album d'un jeune Sénégalais d'environ 75 ans, "Thiossane" Abdoulaye Ndiaye. Sache que ce garçon est avant tout un artiste complet. Fondateur de l'orchestre Thiossane club en 1964, il est l'un des rares témoins et acteurs du premier festival des arts nègres en 1966 sous le bienveillant parrainage de Leopold Sedar Sanghor. Dis comme ça, ça pose son homme. Il est surtout un homme des arts picturaux. Le mec tu lui laisses un pinceau entre les mains, tu lui présentes un mur moche, nu,ni une ni deux, il te fait une fresque aux couleurs chamarrées tellement belle que tu finis par croire en Dieu. Mais ce qui est quelque peu énervant avec ce genre de personnage, c'est que quand il se met à la musique, le résultat est aussi d'une beauté confondante. Il suffit de jeter une oreille sur les deux premiers titres de son album pour comprendre qu'on a pas affaire à un manchot. D'un niveau assez exceptionnel, la rencontre entre le Buena Vista et Césaria Evora, aminata ndiaye se place comme le digne successeur de chan chan : même suavité, même nonchalance, un refrain dont on a du mal à se défaire, une classe innée. Qu'on retrouve dans le morceau suivant, lat dior. Rencontre entre Tinariwen, Cuba et le reggae. Improbable me direz-vous ? jetez une oreille dessus, c'est d'une évidence et d'une simplicité troublantes. La suite, moins impressionnante, se situe quant à elle au niveau d'un Orchestra Baobab ou d'un Djelimady Tounkara. Moins impressionnant mais non moins indispensable. Thiossane, à lui seul, offre un enterrement de première classe à la tentative de salsa malienne collective de l'an dernier, ridiculise les efforts d'un Nick Gold, créateur de musée, et offre un album d'une grande classe. Pas complétement abouti ( les six jolies mais vaines minutes de bouki ndiour) enfin pas d'un niveau constant , il s'agit néanmoins d'une belle réussite dans un style qui a vu son apogée il y a quatorze ans et plus rien ou si peu depuis.
En même temps il a mis une bonne cinquantaine d'années à le peaufiner son album, c'eut été un tantinet décevant que "Thiossane" Abdoulaye Ndiaye nous ponde une daube nauséabonde et innommable. En même temps si ça avait été le cas, je l'aurais classé soit dans la rubrique ma main dans ton disque ou encore la vieillesse est un naufrage. Ce qui aurait pu faire une excellente note vacharde et bien sentie (as usual). Pas de bol pour vous, son premier album est excellent. Con, non ?
Pour écouter quelques extraits, c'est ici
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