-Bonjour monsieur.
-Bonjour madame.
-Alors ce sera quoi pour aujourd'hui ? un massage, un entretien body -care frotte-moi partout avec une de nos hôtesses d'accueil spécialisée ?
Euh... pourquoi pas ??!! En revanche, si j'accepte vos conditions pour le massage, je vous prierais d'accepter les miennes en matière de musique. Mon dernier massage a tout de même été une pure catastrophe. Tout ça lié à une musique épouvantable. Franchement Enya c'est d'un stressant... laissez moi poser sur votre délicate platine cd la dernière galette que je viens juste d'acquérir : bordeaux, le nouveau CO de l'excellente collaboration entre Robin Guthrie et Harold Budd.
-Rassurez moi monsieur : ce n'est pas de la musique sataniste ou encore une musique de dépravés ou autre drogués ??
-Mais pas du tout madame. Je m'en vais à l'instant vous conter la jolie histoire de cette collaboration. Les deux garçons en question sont de fines lames de la musique atmosphérique. Ils se sont rencontrés en 2005 pour la BO de l'excellent mysterious skin. Une réussite au-delà de toutes espérances. Telle qu'ils se sont dits : on ne peut pas en rester là. Pacsons nous et faisons une descendance digne de ce mysterious skin, on doit bien être capables mélanger de nouveau nos gènes et former un nouvel embryon plus réussi encore que le premier.Comme toute descendance, le résultat ne fut pas à la hauteur de l'espoir placé en lui.After the night falls et before the day breaks, jumeaux sortis en 2007 manquaient quelque peu de consistance. Echaudés par cet échec, nos deux comparses se séparèrent quelque temps. Mais l'envie de se voir, telle celle d'aller pisser, les repris. Le désir aussi. Ils se regardèrent dans les yeux, usèrent et abusèrent de l'amour tantrique et le résultat, plus connu sous le nom de bordeaux, dépassa leurs espérances.
-C'est une bien belle histoire que vous venez de me conter là cher monsieur. Auriez-vous un mouchoir ? J'en suis émue jusqu'aux larmes. Peut-on écouter de quoi il retourne ? Vous venez de m'allécher comme personne ne l'avait fait jusque là.
-Bien entendu.
(premier morceau : gaze)
-Mais...c'est magnifique. Ces nappes de synthétiseur sous ces délicates notes de piano, ces trémolos de guitares me submergent le diaphragme, cette ascendance dans l'ambiance me touchent au plus profond de mon être. Approchez moi la boîte de mouchoirs je vous prie.
(deva c)
Je...je...ne sais plus quoi dire. Je trouvais le premier morceau magnifique mais là je n'ai plus de termes pour en décrire la beauté. Moi qui pensais avoir atteint un nirvana de plénitude avec mes disques d'Enya. J'en suis soufflée, terrassé, les mots m'en manquent.Je crains d'avoir à vous demander d'arrêter là l'écoute. Je ne pourrais aller plus loin. J'en suis la première désolée.
-Cette musique ne vous plaît pas madame ???
-Mais si voyons !!!! mais elle me rappelle tant de souvenirs, que ma jeunesse s'en est allée, elle remue tant de douleurs, de plaisirs en moi, des choses enfouies. Vous voyez ce morceau : vous souvenez-vous de cette publicité des années 80, celle qui a régie mes premiers émois ? obao fraîcheur douche ? Cette musique entêtante, subtile, avec un soupçon d'asiatisme ? Je ne sais pourquoi mais le morceau qui passe actuellement m'y fait irrémédiablement penser.
Je trouve en effet que ce disque, bordeaux c'est bien ça ? est fait pour faire corps avec l'identité de ce salon de massage. Néanmoins je ne puis l'accepter en cet établissement. Il remue trop de souvenirs, tant de deuils que je n'ai pu résoudre. Comme celui de mon chat, nem, décédé lors de l'écoute de la sonate n°8 interprétée par Richard Clayderman sur son album de 1982 : couleur tendresse et auquel ce morceau, le troisième si je ne m'abuse ?!! me fait douloureusement penser. Alors non, désolée mais reprenez votre disque. Aussi beau soit-il, et dieu sait qu'il est magnifique, je ne puis...oh.... (chutes du niagara dans un mouchoir à présent inondé)
-Excusez moi madame, je ne pensais pas à mal en vous présentant ce disque. Je ne pensais pas vous émouvoir au point que vous ne puissiez plus vous exprimer. Pourtant, quand je l'ai écouté, je me suis dit que c'était un disque qui tombait à point pour remplacer les Enya que vous passez en boucle. Je me disais qu'il en avait la même saveur, la même consistance, cette légèreté qu'on ne trouve que chez elle. Je trouvais que bordeaux était un parfait contrepoint à tous ces disques sublimes que votre goût exquis passe en boucle à chaque visite que je fais.
-Petit canaillou tiens. Vous m'avez émue jusqu'aux larmes. Il y a bien longtemps que je ne m'étais laissée aller comme cela. Allez, je vous sors le grand jeu et vous fais moi-même ce massage intégral. Je vais même vous laisser m'appeler par mon prénom aujourd'hui.
-Ah oui ??? et quel est-il ce doux prénom qui sonne comme une promesse de plaisirs et de volupté à mes oreilles ?
-Maïté.
PS : comme le taulier a perdu les codes de son tumblr ma main dans ton disque, je classerai cette note classieuse dans cette catégorie. Et je lui attribuerai une note de quatre mains dans ta gueule.
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