Tu sais pas chanter, ni jouer d'un instrument. Tu sais au fond de tes tripes que tu veux faire un groupe et imprimer ta patte dans l'histoire de la musique. Monter un groupe est le minimum. Tu l'assures, c'est pas mal, mais pour le reste, t'as pas beaucoup le choix : il te faut rencontrer la bonne personne au bon moment. Et là, paf, coup de bol énorme : tu rencontres Ian Curtis.Qui produit ton premier EP et le sort par la même occasion sur factory. Ton premier album sort sur ce même label et se trouve produit par le producteur attitré (et fou) de Factory : Martin Hannett. Tu sais toujours pas jouer, ou alors faux, et tu n'as pas encore vraiment réussi ton pari.Tu es connu mais pas encore reconnu. Pour ça tu n'as plus beaucoup le choix, tu dois sortir quelque chose de marquant. Bol monstrueux, Bernard Sumner t'a à la bonne. Il décide de produire ton album et t'oriente vers quelque chose de plus dansant. En 1984, tu sors un single qui, lui, va marquer les générations à venir. Dans la foulée tu sors un album qui suivra le même destin. Pourtant même si c'est ce que tu espères depuis toujours, tu fais rien pour te démarquer. Disons que tu cultives à fond le mystère en faisant de l'abstraction ton crédo. Ton album a une pochette quelconque bien qu'intrigante (concept qui sera repris plus tard par Archive pour son excellent londinium) sur laquelle apparaît le nom de ton groupe, le titre de l'album et ton label mais de façon presque invisible, se fondant dans le paysage. Tu ne mets pas les titres de ton disque sur la couverture arrière. Pour savoir de quoi il retourne tu es obligé de regarder le rond central du vinyle pour avoir quelques renseignements. Qui seront bien maigres. Les titres et le producteur (dont on ne sait rien si ce n'est qu'il se fait appeler bemusic), point barre. Bref, pour la présentation, c'est le minima. Par contre musicalement c'est autre chose. Enfin presque : ça joue faux, ça chante faux, c'est dans l'ère du temps, synthés de rigueur, boîte à rythme chétive, guitares maigrelettes, basses sorties d'outre-tombe. Dis comme ça, c'est peu engageant. Et pourtant c'est excellent.
From the hip de Section 25 est l'un des rares albums dance, électro,pop des années 80, New Order mis à part, que je peux supporter. Voir que j'aime. Dance sans l'être vraiment, profond malgré cette superficialité propre aux années 80, folk glaçant, krautrockien, c'est un disque qui bouffe à tous les râteliers. Mais d'une aridité peu commune. Tout est sec là-dedans, comme les paysages de la pochette et d'un minimalisme glaçant. Peu d'instruments, une voix, un tube, looking from a hilltop (qu'on aurait pu surnommer dansons le krautrock sous la glace) et beaucoup d'idées par contre. From the hip redessine le paysage de la dance des années 80 en approfondissant ce qu'a pu apporter New Order avec son power, corruption & lies et en y introduisant une dose d'amateurisme, de lo-fi piqué à Young Marble Giants. Le résultat est assez confondant. Sur la première face du disque Section 25 vous invite à danser sans se prendre la tête sur des musiques approximatives et des chants dignes d'un Daniel Johnston en grande forme (prepare to live du New Order joué sous acides et annoné par le véritable fou chantant). La seconde face en revanche est limite flippée voir parano, la triplette program for light, desert et beneath the blade est tendue, sèche, aride, glaciale.La montée de program n'en finit pas d'atteindre des sommets insurmontables, le folk de desert se joue à une température digne d'une nuit d'un mois de décembre en Alaska et beneath arrive à être encore plus froid, plus extrême que n'importe quel titre de Joy Division. Heureusement inspiration, le bien nommé, réchauffe tout ça et termine ce disque sur une note légère et dansante. Ouf serait-on tenté de dire.
Grand disque au final même si, et c'est aussi pour ça que je l'aime, très bancal. Disque ancré dans son époque, inventant une grammaire sommaire de l'électro-dance que pas mal de groupes pilleront par la suite. From the hip n'a eu, bien évidemment, qu'un succès d'estime malgré un looking from a hilltop tubesque, mais a quelque peu marqué les esprits. Au point qu'un gars se décide à en reparler près de trente ans après sa sortie sans qu'il y ait quelque actualité à son sujet. C'est qu'il avait vraiment rien d'autre à foutre.
bien vu l'aveugle
RépondreSupprimermanquerait plus que je sois sourd en plus
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