mardi 19 avril 2011

Hoarau

Fini de lézarder, de se la couler douce, de regretter le temps béni où je pouvais écouter des galettes sur une platine qui les faisait tourner à une vitesse approximative de 33 tours/mn, fini ce temps là. Je sens que je vais noyer ma dépression actuelle en me jetant dans l'écoute de toutes les musiques pouvant me passer entre les mains, les oreilles, etc....
Je pourrais vous parler dans cette note du dernier Kode9, du prochain Joan Of Arc, du Mick Harvey mais comme je suis une grosse feignasse qui prend tout son temps, je n'en ferai rien.
Non, je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais en ce début d'année j'avais fait une note sur l'album de Tamikrest. Je la terminais en parlant d'un petit bonhomme réunionnais, petit par la taille mais au talent inversement proportionnel justement. Danyel Waro. Qui a sorti l'an dernier un double album, aou amwin, qu'on peut en toute objectivité qualifier de magnifique. Resituons le sieur pour ceux qui ne connaissent pas : Danyel Waro (Hoarau pour l'état civil) est un musicien réunionnais, contemporain et ami du très très grand Alain Peters (le Nick Drake réunionnais, ni plus ni moins, auteur d'un indispensable, que dis-je, crucial paraboler) adepte d'un maloya classieux qu'il maîtrise sur le bout des doigts. Le gars est aussi un conteur de grand talent doublé d'un chanteur d'exception. Donc si on résume : Waro est une sorte d'ancêtre du slam, autarcique limite autiste, traçant son sillon dans son coin, n'ayant jamais changé de cap sur un seul de ses albums, d'une intransigeance et d'un talent rare, d'une grande honnêteté, fait rarissime en ces temps.
Danyel Waro a donc sorti en 2010 un aou amwin magnifique et, fait suffisamment exceptionnel pour être signalé vu que c'est la première fois que ça lui arrive, ouvert aux autres, sur le monde. Le fond est toujours le même, une maloya digne, pure, mais plus repliée sur elle-même.Waro ouvre son monde aux polyphonies corses d'A Filetta sur deux morceaux (très bons, ne pas croire que les corbeaux d'I Muvrini ou Patrick Fiori aient gangréné toute la musique corse), au rap avec une reprise d'un de ses morceaux avec le rapper sud-africain Tami (mandela), rend hommage à Alain Peters en utilisant son instrument de prédilection (la takamba) sur les excellents alin et kansa et nous concocte un double album bourré jusqu'à la gueule (pas loin de deux heures tout de même avec deux morceaux marathons de 21 et 17 minutes) de mélodies, d'humilité, de percussions hypnotiques. Ajouté à cela la voix profonde, habitée, digne des meilleurs instruments peuplant cet album, de Danyel Waro et vous obtenez une musique profondément insulaire, personnelle et néanmoins complétement universelle et parfaitement hypnotique.
Par contre, autant le dire tout net, si le résultat est grandiose, gare à l'indigestion. Deux heures de maloya peuvent paraître un tantinet lourd et l'ennui peut parfois poindre le bout de son nez. Pourtant il y a quelque chose de grand, une beauté qui transparaît , un profond respect pour les traditions et une envie d'évasion  qui rendent ce maloya indispensable. Bref, la mutation opérée par Waro est une réussite quasi totale et aou amwin est à deux cheveux ou un doigt, à vous de choisir, du CO. Rien que ça.




Pour une introduction au maloya, voir ici .

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