mardi 1 avril 2014

The Afghan Whigs : do the beast

 Penchons-nous ce jour sur le cas Afghan Whigs : tous ceux qui en diront du bien, vous n'êtes pas obligé de les croire. Tous ceux qui diront que do the beast est atroce, mauvais, immonde et autres termes non moins charmants vous n'êtes pas obligés de les croire même si au premier abord, ils n'ont pas complétement tort.
Après une absence de 16 ans, quelques errances, Greg Dulli revient avec ses Afghan Whigs et tout ce qu'on peut dire à son sujet c'est qu'on se demande s'il a vraiment bien fait. A la première écoute de do the beast on serait tenté d'aller chercher le goudron et les plumes voire remettre en état la potence qu'on avait laissé négligemment traîné au fonds du jardin.
Pour tous ceux qui, comme moi, ont été traumatisés par un gentlemen quasi parfait, les trois morceaux introductifs risquent de faire l'effet d'une douche froide.  La première chose qui frappe, et plutôt violemment, c'est l'épaisseur du son. Autant gentlemen était sec, nerveux, sur l'os autant chez do the beast, l'os n'est pas prêt d'être atteint. Parked outside, matamoros et it kills paraissent être des arguments massues pour une campagne publicitaire genre danacol ou les effets dévastateurs du cholestérol sur la musique. Ça suinte de partout, c'est gras au possible, d'une lourdeur à faire passer Bigard pour Hope Sandoval  et les fautes de goûts sont nombreuses. Matamoros par exemple ressemble à une sorte de fake des Afghan Whigs revu par des Red Hot Chili Peppers post andropausés, chanson qui aimerait bien paraître jeune mais qui a pas l'air du tout comme disait l'autre. A laquelle s'ajoute  l'apport d'éléments électro, et vous obtenez un morceau qui vous reste un tantinet sur l'estomac. Mais le pire reste à venir : it kills. Et il porte bien son nom. Morceau soul/grunge dans le style Afghan Whigs mais littéralement détruit par des choeurs absolument atroces que n'aurait pas renié une des choristes d'Elvis Presley. C'est bien simple, à la première écoute j'ai presque abandonné.
J'ai ensuite écouté algiers...
...et après j'ai abandonné.
J'y suis retourné un peu plus tard, car je suis persévérant.Ou con. Ou masochiste. J'ai zappé les trois premiers morceaux (vous pouvez rayer masochiste) pour reprendre sur algiers et sa relecture Phil Spectorienne du rock selon Dulli. Premier grand, voir très grand morceau de l'album. J'y reviendrai plus tard. Ensuite, avec lost in the woods, on assaiste à une sorte de miracle : on a la subite impression que Dulli s'est souvenu avoir été l'auteur de gentlemen. Curieusement la musique perd en graisse ce qu'elle gagne en muscle, en subtilité voire en sincérité. Dulli abandonne la pose jeune vieux rebelle sur le retour et retrouve la hargne, la rage qui faisaient défaut sur le début de l'album. A de rares exceptions près (le can rova et sa rythmique électro/techno hors-sujet), do the beast devient plus qu'audible voire bon et Dulli fréquentable. L'album se clôt sur un these sticks crépusculaire et magnifique, deuxième très grand morceau de do the beast qui voit Dulli, tout en nerfs, s'aventurer hors de la soul et se frotter au terrain du jazz. Le résultat, tout en montée tensionnelle est à tomber et laisse augurer encore d'un avenir commun avec Dulli s'il vire son batteur et son producteur. Parce que là, c'est un peu le nœud du problème. Prenez algiers, un putain de grand morceau, proche du génie pur. Rien que ça. Ça aurait pu être un des plus grands morceaux de la carrière des Afghan Whigs. Sauf que pour ça il aurait fallu que Dulli ait la bonne idée de faire taire son batteur. Ou faire en sorte qu'il cogne de façon un peu plus subtile sur ses fûts. Ou encore éviter de le mettre en avant car passé la première minute on a juste envie de le rendre manchot. Et s'il avait pu, en sus, enlever du gras au solo, ça aurait été parfait. Heureusement pour le groupe,  il y a cette voix, qui fait toute la différence. Chargée d'un vécu difficile, revenue d'excès en tout genres, c'est elle qui donne envie de continuer l'écoute de do the beast. L'interprétation de Dulli sur algiers confine quasiment au sublime et permet presque de temporiser les débordements lipidiques des morceaux précédents. Limite qu'on aurait presque envie d'y revenir voir si on ne serait pas passé à côté de quelque chose. Limite hein.
Enfin bon toujours est-il que dans les retours des vieilles glorioles des années 90, le cas des Afghan Whigs est plutôt complexe. Je dois avouer que dans un premier temps, j'ai eu la subite envie de faire renaître de ses cendres le magnifique blog ma main dans ton disque ou encore de remettre à jour ma rubrique l'hémorragie auriculaire du jour. Mais comme ce sont les Afghan Whigs, et que je suis en toute modestie formidable et le pardon personnifié, j'ai cru bon de laisser une seconde chance à ce disque. Bien m'en a pris car à travers le gras qui en suinte et le poids des âges, la rage, l'insoumission de Dulli sont  toujours aussi fortes et présentes. Va seulement falloir maintenant qu'il parvienne à les mettre de côté pour choisir avec discernement ses partenaires. Mais ça c'est pas encore gagné.

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