lundi 23 décembre 2013

Wolvserpent : perigaea antahkarana

Ami sataniste, je le vois bien dans ton oeil torve que je t'ai déçu.
Tu n'as besoin d'aucunes paroles, rien, je n'ai qu'à regarder ta moue dépitée, ta carrure abattue, ces sanglots longs qui semblent secouer ta carcasse fragile pour m'en rendre compte.
Je t'ai déçu.
Faut dire que tu ne m'as pas non plus laissé de quoi m'exprimer librement cette année. Exception faite de Funeralium ou de Cosmic Church, les messagers musicaux ton dieu Satan n'étaient pas au meilleur de leur forme hein. Tu me diras, il est possible que je sois passé à côté de chédeuvres certifiés AOC mais c'est aussi à toi de faire ton boulot et de répandre la bonne parole auprès des ignorants que nous sommes.

Fort heureusement pour mes frêles esgourdes, en cette fin d'année merdique, Satan m'a réservé une bien belle surprise avec le nouvel album de Wolvserpent, perigaea antahkarana.
Ces merveilleux satanistes américains ( Blake Green et Brittany McConnell, anciennement connu sous le doux patronyme de Pussygutt) ont sorti sur Relapse, en septembre dernier, un des meilleurs disques de black/drone/funeral doom metal de l'année.
Double album composé de 5, enfin 4 morceaux, perigaea antahkarana se veut une ode païenne rendant hommage à sa façon à mère nature. En gros, chaque morceau débute par des field recordings (chant d'oiseaux, feu crépitant, nature en fête, ce genre quoi...) sur lesquels se greffe une partie classique (genre violon/violoncelle, du dark classical en somme) voir un soupçon d'ambient ( l'intro d'in mirrors of water). Sauf qu'une fois les intros passées ( à savoir qu'elles font tout de même entre 3 et 7 minutes chacune), le programme affiché est lourd, très lourd.
Revue des troupes :
Disque 1 :  au programme, un within the light of fire stoner/doom/black metal relativement traditionnel à la Middian (voix gutturales, ambiance lourde, la routine quoi...)  mais curieusement dissonant en son milieu. A croire que le duo, se faisant un tantinet chier en jouant, a eu une sorte de révélation lors de la découverte du chapitre the work which transforms god de BaN dans l'encyclopédie déviance et art de vivre, petit précis du black metal pour manchots psychopathes. Du coup, within the light of fire, en plus d'être addictif et efficace, devient franchement intrigant et finit par éveiller l'attention du sataniste qui s'apprêtait, dans le plus grand désarroi, à appuyer sur la touche stop de son lecteur mp3 ou cd (rayez la mention inutile).
Le second morceau (en fait le troisième) confirme la déviance de la trajectoire attendue (un bon disque de black/doom, au cas où vous ne l'auriez pas capter). De fait, le groupe, s'il en utilise les codes (du black/doom...) avec excellence, préfère les envoyer valser et mettre une branlée à Godspeed You ! en s'aventurant du côté du post-rock avec une montée hypertensionnelle entre la 7ème et la 18ème minute qui pourrait constituer à elle seule un épais chapitre du traité du post-rock pour les has-been.
Le morceau se clôt, lors des trois dernières minutes, sur un apaisant retour au calme via Dame Nature : les oiseaux pépient gaiement, les ruisseaux ruissellent et le guitares se taisent. Fin du disque 1.

Disque 2 : autant vous prévenir : si la première partie était très bonne, la seconde est exceptionnelle.
La faute à a breath in the shade of time, morceau démentiel de 23 mns et de l'enchaînement de ouf avec concealed, morceau de clôture.
Démentiel parce que le groupe s'amuse à brouiller les pistes, à jouer avec les nerfs de l'auditeur. Pour cela, il ne change rien à la formule précédente. Intro dark classic/ambient puis envoi de la sauce. Du moins c'est ce qu'on se dit quand a breath démarre. On s'apprêterait presque à zapper tellement c'en est prévisible. Sauf qu'au bout de six minutes, la sauce n'est pas celle à laquelle on s'attendait. Le disque prend une direction toute autre et débute ainsi seize minutes de funeral doom/drone absolument scotchantes. Le duo invoque successivement les  excellentissimes Fleshpress, Sunn O))) et Om puis s'amuse à les faire fusionner pour voir ce qui pourrait éventuellement en ressortir.
Il en ressort donc seize minutes de tension brute où la batterie se la met en veilleuse et laisse place à un flot épais et continu de guitares en fusion, chauffées à blanc, troublées seulement par un mysticisme Sunn Omien sur les quatre dernières minutes, véritable appel au recueillement sataniste (comprendre sacrifice de vierges avec couteau sacré et masque en tête de bouc vidée). Sur ce second disque, a breath...le bien nommé, ainsi que concealed, Wolvserpent  vous bouscule dans un premier temps puis vous prend à la gorge, vous oppresse, hypnotise, installe une ambiance à la fois aérienne et morbide, serre son étreinte, ne lâche rien pendant  près de trente  minutes et ne la desserre qu'une fois concealed achevé.
Et vous avec.
Parce qu'on ne ressort pas de ce second disque indemne Ce qui estomaque, plus que sur le premier, c'est la puissance, la cohérence qui s'en dégage ainsi qu'une évidence.  Celle qu'il n'aurait pas pu en être autrement. Les mélodies, l'ambiance, l'enchaînement  des deux morceaux, des deux styles (drone et funeral doom) forment un bloc, une entité indissociable. Vous avez à peine le temps de vous remettre de a breath in the shade of time que concealed vous plombe littéralement les pieds et vous envoie par trente mètres de fonds sans avoir pu reprendre votre souffle entre deux.
Magistral.
Alors mon petit Satan, en cette veille de nowel 2013, c'est une bien jolie offrande que tu me fais là. Moi qui désespérais de croire en toi, qui me languissais d'avoir de tes nouvelles, me voilà rassuré. Et rassurés aussi sont  mes amis satanistes, dont l'oeil torve s'illumine à nouveau d'une lueur bienveillante.
Il était temps Satan, j'ai bien failli passer dans l'autre camp.

écoute intégrale ici

1 commentaire:

  1. Ce dernier Wolvserpent est grand, mais il y avait d'autres jolis suppôts à s'enfiler en 2013, notamment Terra Tenebrosa (The Purging, bon celui-là c'est fait je crois !), The Body (Christs, Redeemers... crois-moi ou non ces Jésus-là ne nous veulent pas du bien), OvO (Abisso), Primitive Man (Scorn), Black Boned Angel (The End), ÆVANGELIST : (Omen Ex Simulacra), Vuyvr (Eiskalt) et j'en passe !

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