samedi 3 novembre 2012

Jessica Pratt :

- Bonjour, j'aimerais une baffe dans ma face s'il vous plaît.
- Bien sur mon bon, j'ai ça en magasin si vous voulez.
- Certes mais je la voudrais pure, épurée, sans un pet de graisse.
- Ah ben ça tombe bien j'ai exactement ce qu'il vous faut. Un premier album qui devrait buzzer sa race dans les jours à venir. Un disque enregistré dans la cuisine, sur le magnétophone de grand-mère. Rappelez-vous, celui qui captait tous les sons surtout les plus incongrus, du pet du chat au miaulement du frigo, quand on appuyait de concert sur play et enregistrer. Mais je m'égare.
Donc vous vouliez du pur, du proche de l'os c'est bien ça ??? Pour ce faire j'ai le premier album de Jessica Pratt. Une voix, une guitare, aucun overdub ( le souffle se permet même d'être présent sur mountain'r lower, entre autre). La légende veut que Tim Presley des excellents White Fence soit tombé raide dingue de Jessica et lui ait créé un label, birth records, rien que pour sortir son album. Ce label sort donc, en vinyle exclusivement, le premier album éponyme de Jessica Pratt. Alors, légende créée pour faire le buzz ou véritable conte de fées ? on s'en fout, le résultat est là : meilleur album folk de l'année, haut la main. Certains vous parleront de Stevie Nicks (dont je ne connais pas ou peu la carrière hors Fleetwood Mac), d'autres de Sibylle Baier (là j'avoue qu'il y a pas mal de similitudes), je rajouterais pour ma part quelques touches de Karen Dalton ou encore, plus proche de nous, Mirel Wagner sans la part d'ombre. Vous me direz, des albums folk limite neurasthéniques on en trouve à la pelle. De Lonesome Sisters à Marissa Nadler, ce ne sont pas les exemples qui manquent. Certes. Mais il se dégage de ce premier album une intemporalité confinant au remarquable. La faute probablement à la voix exceptionnelle de Jessica Pratt. Une voix jouant sur toutes les émotions, hors d'âge, enfantine par moment ( half twain the jesse), ayant fricoté avec le gratin folk écorché des années 60 (de Karen Dalton à Linda Perhacs), semblant revenue de tout la plupart du temps. Par moment une voix sure d'elle, s'affirmant malgré quelques trémolos ( midnight wheels), parfois d'une fragilité touchante (casper), sans fards, nue,qui s'offre sans rien demander d'autre que de l'écoute.
Sauf qu'elle n'a pas à demander l'écoute.
Dès qu'elle articule un son, une note, le silence s'impose de lui-même. Il émane de son chant une spiritualité peu commune, une intemporalité folle comme si Billie Holiday ainsi que d'autres écorchées vives s'étaient incarnées en elles tout au long des décennies passées pour parvenir à un résultat confondant de beauté. Car la pépite que vient de sortir Jessica aurait très bien pu voir le jour il y a une cinquantaine d'années, aux côtés de Bridget St John, d'une Vashti Bunyan, d'une Linda Perhacs ou plus près de nous d'une Gillian Welch voir d'une Beth Gibbons & Rustin' Man. C'est une pépite brute dont il s'agit, enregistrée au plus près de l'âme, sans artifices. Une voix, magnifique donc, et une musique d'un dépouillement rare. Pas de démonstration, aucune virtuosité technique, juste des arpèges placés au bon endroit, des notes sonnant juste, enregistrées, enfin captées, volées oserai-je dire quasi à l'insu de sa créatrice par un producteur qui a su faire la seule chose qu'il était sensé faire à ce moment là  : s'effacer.
Pour laisser non pas la noirceur mais la beauté irradier ce disque lumineux, intemporel, je le répète.

- Ouh la, mais le programme paraît fort alléchant, mon bon monsieur.
- Il est en effet rare de tomber sur de telles pépites. La première écoute vous subjugue, la seconde vous rend accro et enfin à la troisième vous avez l'impression d'avoir toujours vécu avec ce disque. Vous finissez même par  vous demander comment vous avez pu vivre sans jusque là.
Alors vous vouliez de la baffe dans votre face, là je viens de vous présenter ni plus ni moins un des uppercuts de l'année. Si vous aimez avoir mal, l'écoute de ce Jessica Pratt va être un véritable délice. Faites moi confiance.

4 commentaires:

  1. Ouais, pas mal... Mais ça vaut pas le dernier Florent Pagny!

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  2. je te laisse ta liberté de penser, c'est bien la seule chose qu'il te reste après un tel commentaire :)

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  3. C'est méchamment introuvable, surtout !

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