- Bonjour, je cherche un album doté d'une particularité peu commune voir particulière. Un disque excellent, doux, instrumental, électronique et pas chiant pour un sou. De plus, je le souhaiterais d'une discrétion remarquable. Vous avez ça en magasin ?
- Oui mon bon mossieur, j'ai ça en magasin. Un disque d'électro/ambient/dub sorti en septembre dernier sur un label pourtant remarqué et remarquable (kranky) et passé totalement inaperçu. Ça vous convient ?
- Ah ben pour sur. Puis-je savoir ce que c'est ?
- Le nouvel album de Loscil, sketches from new brighton.
- Lo-quoi ?
- Loscil, vous savez, le projet de Scott Morgan. Non ? Onze années de non-activisme chez Kranky, ça vous forge son homme hein. Huit disques à façonner le silence sous des nappes de synthé, avec des rythmes rachitiques voir inexistants, quelques glitchs obsédants, il n'y a rien de mieux pour se faire oublier. Pourtant, pas de bol pour lui, sa musique, abstraite au possible, est restée ancrée dans les oreilles de ceux qui se sont un tant soit peu intéressés à elle.
Il remet les couverts cette année avec un album dans la droite lignée des sept autres. Soit une musique abstraite, impalpable, faite de nappes phréatiques, de glitchs, de douce tension, presque sereine, semblable à du Borhen ( hasting specials ressemble à s'y méprendre à une version apaisée du black earth). L'ensemble évoque le meilleur des productions des allemands Pole ou Gas, soit un dub flirtant avec l'ambient et réciproquement.
- Ça fait pas un peu musique d'ascenseur votre truc là ?
- Cela pourrait mais non, il y a suffisamment de mouvements internes dans cette musique, de remous, de luttes intestines pourrions-nous dire, pour éviter tout ennui justement. Scott Morgan sait doser parfaitement contemplatif et tension, mélodies et abstraction, jouer avec les oscillations pour tenir l'auditeur dans un état de rêve éveillé voir de sidération (fifth anchor span et sa sourde mélancolie qui vous prend à la gorge sans jamais rien lâcher). Pour reprendre votre expression, si ascenseur il y a, celui-ci ressemblera plus à un téléphérique à mi-parcours au dessus de l'océan, dont le câblage est en train de lâcher, qu'à un ascenseur du Ritz. Vous avez le droit de vous sentir protégé voir d'être comme dans un cocon mais il existera toujours une tension qui vous empêchera de réellement vous apaiser. Tout l'intérêt de sketches from new brighton repose justement sur cette tension qui traverse le disque de part et d'autre, alternant morceaux contemplatifs voir sereins (second narrows et son dub relaxant) et d'autres en apparence calmes.
L'album semble d'une platitude effarante et pourtant en y prêtant une oreille attentive, on se rend compte que, la plupart du temps, Scott Morgan innove. Son ambient, son dub, on a l'impression de les avoir entendu mille fois au travers de l'oeuvre de Gas mais étrangement, cette tension sourde, ce rappel au jazz, cette atmosphère de menace évoquent plus le doom de Borhen.
Bref, vous vouliez un album fort discret, qui ne fasse pas de vagues ?? En voilà un donc. Et en sus, son créateur se permet même d'inventer un nouveau genre : l'ambient doom. Si c'est pas une particularité particulière, je veux bien bouffer ma collection complète de vinyles de Vilaine Fermière. Et rassurez-vous, il passera encore de nouveau et à jamais inaperçu et n'intéressera personne hormis des pélos comme vous. Cerise sur le gâteau, comme on dit : la pochette est aussi discrète que le contenu. C'est pas beau tout ça ??
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