Ma théorie, qui vaut ce qu'elle vaut, c'est que ces mecs se font tellement chier dans leur domaine, leur musique les emmerde à tel point qu'ils finissent par aller voir ailleurs. Et produire par la même occasion leurs meilleurs albums.
Vous pensez que je ne dis que des conneries ?? Mais non,du tout. Prenez Sunn O))) par exemple. Les mecs ont fait quelques albums de drone/doom purs et durs sur lesquels ils semaient quelques graines d'ambient (en gros jusqu'au white 2) , puis se sont acoquinés au malin sur un black one d'anthologie et enfin se sont dits que le tour du doom était fait et se sont barrés ailleurs voir si jazz et doom pouvaient être compatibles. Bol monstrueux il s'est trouvé que oui. Les gars ont sorti avec monoliths & dimension leur meilleur album à ce jour. Belle histoire n'est-il pas ?
Autre exemple : Earth. Drone/doom somme toute classique. quelques albums creusant le même sillon jusqu'à plus soif puis, en 2005, la révélation. Et si on allait voir ailleurs ? et si le doom n'était pas qu'une histoire d'infrabasses, de batterie dépressive à 1 BPM et de grosses guitares jouant un seul accord sur cinquante minutes ? que se passerait-il si on aérait notre musique, si on allait lui faire faire un tour dans les grands espaces américains, qu'on l'adaptait pour des westerns spaghettis actuels ? Résultats de leur intense réflexion ? Hex ; or printing in the infernal method et angels of darkness, demons of light., leurs plus belles réussites.
Vous voyez : je ne dis pas de conneries. J'irais presque jusqu'à dire que je suis la sagesse même, d'une profondeur réflexive tout bonnement incroyable.
Je vous sens perplexe, voir dubitatif.
Permettez moi d'étayer ma fulgurante théorie par un exemple actuel irréfutable.
Om, ça vous dit quelque chose non ? Deux gars qui ont commencé par un drone/doom plutôt extrême mais un brin casse-burnes (en gros leurs trois premiers albums, le pompon étant remporté par pilgrimage en 2007). Départ d'un des fondateurs en 2008 (le batteur) et là, paf, le niveau s'élève d'un coup. En 2009 sort le très bon god is good et cette année l'excellent advaitic songs. Qui, parce qu'il est excellent et appuie à fond ma sublimissime théorie, n'a plus grand chose à voir avec le doom. Disons que pour le drone il en reste encore quelques traces mais le doom, dans sa conception la plus commune (guitares/basse/batterie/éructations), est aux abonnés absents.Om a décidé, sur un coup de tête, sur une soudaine impulsion, ou parce qu'ils se sont mis au maroquin et pour s'approvisionner ont du vendre toutes leurs pédales d'effets ainsi que certaines guitares, de faire du doom quasiment sans six cordes.
Et alors ?
Bien leur en a pris. Advaitic songs est truffé de ragas, de tablas, d'instruments à vents mais conserve une atmosphère bien pesante, lourde, propre au meilleur doom.Concept-album sur la musique du moyen-orient, incluant des éléments progressifs, la première écoute enchante mais déroute l'auditeur adepte de doom bien gras.
Dès addis, le pauvre hère se retrouve dans un disque de world quasi traditionnel, avec tablas, chant féminin arabe et violoncelle. Seule la basse, dans un premier temps, puis la guitare nous rappellent que nous sommes en 2012.
Autant le dire : ça commence ardu pour l'amateur de grosses guitares et de voix gutturales.
Mais bon, parce qu'ils sont dans le fond très gentils, et surtout pour ne pas larguer définitivement le pauvre gars qui a payé son disque pour avoir un bon gros son à la Middian, Om, sur les six minutes de state of no return, va lui faire plaisir tout en lui expliquant bien, via le titre, que le doom pour eux c'est définitivement terminé. Pour preuve, au bout de quatre minutes les gars abandonnent les guitares pour des arrangements classiques, proches de ceux de Labradford sur l'avant dernier morceau de mi media naranja (v). Manière tout à fait charmante de dire allez vous faire foutre, je ne fais ici que ce que j'aime, je n'ai rien à vous devoir. Gethsemane enfonce définitivement le clou et largue le pauvre auditeur complétement paumé en mariant le raga aux drones sur fond de musique progressive. Seul subsiste de leur style initial la voix. Et aussi la violence, sourde. D'une part de la basse, profonde et omniprésente mais surtout de la batterie sur laquelle le batteur cogne comme s'il voulait l'achever.
Après, c'est mise en route du pilotage automatique. L'auditeur est définitivement hors circuit, Om se ballade en plein désert égyptien. Il y fait une putain de chaleur, le danger semble être présent partout, l'atmosphère est oppressante, le tout renforcé par des drones bien flippants.
Advaitic songs se termine par une élévation spirituelle, la rencontre avec Allah, dans laquelle les gars du groupe semblent certains d'avoir trouvé la lumière, la révélation. Dans le soufisme, le haqq al yaqin (titre du dernier morceau) est considéré comme un degré de connaissance mystique et unique. A l'écoute du dit morceau, hypnotique et prenant, à la fois moderne et spirituel plongeant même ses racines dans la musique médiévale, on ne peut que leur donner raison.
S'il y a bien une révélation présente dans ce disque justement c'est que le doom peut mener à la spiritualité (ici via la musique traditionnelle arabe, ou le jazz pour d'autres.)
L'exploit de Om aura été d'ouvrir une musique, plutôt hermétique, avec ses codes strictes, aux autres cultures et d'en faire un disque d'une grande profondeur. Prouvant par la même occasion que c'est en s'ouvrant sur les grands espaces que le doom produira ses meilleurs albums. Comme Sunn O))) et Earth il y a quelques années.
Comme quoi, c'est quand on se fait chier qu'on produit les meilleurs disques de doom. Tout concorde à prouver que ma théorie est d'une clairvoyance indiscutable.
Loué sois-je. En toute modestie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire