lundi 15 novembre 2010

Riget

Aujourd'hui pas musique. Moi être encore sous le choc de riget, la série barrée et suédoise de Lars Von Trier. Sobrement intitulée dans nos basses contrées l'hôpital et ses fantômes. Pour ceux qui auraient la chance de ne pas connaître, il s'agit là d'un cas tout à fait exceptionnel de négatif de Dr House couplé à grey's anatomy dans lequel se serait invitée la folie furieuse et l'étrangeté de twin peaks. L'antithèse d'urgences en gros.
Von trier, reconnu pour sa sobriété exemplaire, ainsi que son esprit cartésien, livre là une fable humaniste aux accents déchirants, avec des personnages humains, trop humains, des situations émouvantes, trop émouvantes, des sentiments paroxystiques, d'une linéarité qui peut certes rebuter à première vue mais qui épouse parfaitement le sujet développé ici.
Je déconne.
Si, pour vous, un médecin qui parle à sa merde avant de tirer la chasse est parfaitement normal. Si vous trouvez tout à fait moral que ce même médecin, absolument odieux et incompétent, puisse charcuter le cerveau d'une fillette, devenue parfaitement débile par sa faute, et s'en tirer sans un blâme, au vu et su de toute la communauté médicale. Si pour vous une course contre la montre d'ambulance vide sur autoroute en sens inverse pratiqué par un employé de l'hôpital constitue votre quotidien. Si vous trouvez normal qu'une femme-médecin se fasse féconder par un fantôme et mette au monde deux semaines plus tard un enfant difforme de plus de deux mètres. Si chez vous ce sont deux trisomiques parfaitement lucides et clairvoyants qui vous prédisent les événements. Si votre grand-mère est spirite et résout les problèmes d'ectoplasmes grâce à l'appui du personnel médical. Alors vous risquez de vous faire gravement chier. En revanche,si une image dégueulasse ne vous rebute pas, si un faisceau d'histoires barrées dans un hôpital hanté vous attire, si une mise en scène hachée abusant de cut-up, d'ellipses ne vous dérange pas, si un casting de tronches ordinaires voir moches ne vous trouble pas, alors riget est fait pour vous.
Sérieusement, depuis 1994, date de la première saison de riget, je n'ai pas vu d'objets aussi spéciaux que cette série. Pendant suédois de Twin Peaks,  moche, d'apparence mal filmée, mal cadrée, mais d'une maîtrise impressionnante. Von Trier nous ballade au gré de ses humeurs dans un train fantôme démentiel. Je ne sais même pas s'il a voulu dénoncer quoi que ce soit (l'absurdité des soit-disant élites ?  la corruption d'une société politique reproduite à l'échelle d'un hôpital ), s'il y a un message à découvrir. Toutes les échelles de la société s'en prennent plein la gueule (Aucun médecin ne travaille selon le serment d'hyppocrate mais plutôt sous celui du saint libéralisme, les patients sont hypocondriaques, les morts servent à faire des blagues, les psy des tarés même pas illuminés, tout ce petit monde n'est animé que par le profit, l'altruisme leur est un terme complétement étranger. Bref, tous les niveaux de la société sont gangrénés. Même les simples d'esprit, pourtant les plus clairvoyants,  ne sont pas épargnés. Et que dire de ce foutage de gueule en règle des sociétés secrètes du style les franc-maçons ?). On a juste l'impression qu'il a voulu se faire plaisir en dynamitant les feuilletons médicaux à l'eau de rose style la clinique de la forêt noire par un fantastique cradingue et allumé. La série, inachevée par la mort du protagoniste, n'a eu que deux saisons (elle devait en compter trois) mais elle n'a aucun équivalent. Il s'agit d'un OFNI qui oscille entre le pur CO et le gros foutage de gueule à la Ed Wood, une grande série en somme.
Regardez l'intro, elle résume à elle seule l'esprit de ce feuilleton barré : images magnifiques, ultra léchées, d'une beauté à scier les pattes. Suivi par un générique de merde avec des images dégueulasses et  une musique à l'unisson, à savoir toute pourrie.Von Trier, en moins de trois minutes, résume tout son art : comment extraire la beauté de la laideur et réciproquement.

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