Pour ce faire, va falloir monter dans la delorean et bloquer les compteurs en 1992. Plus précisément juin. Pourquoi ???
Parce que je bosse à une trentaine de bornes de mon habitation principale.
Et alors ??? je vois pas bien où est le rapport.
Simple, mon con : pendant une bonne trentaine de minutes je me retrouve seul avec mon moi, mon ça et surtout pas mon surmoi dans ma voiture, auto-radio à fond. Hors pour satisfaire mon ça, il me faut de la musique qui dépote grave. Et depuis quelques semaines, tourne en boucle dans la caisse le génialissime lido de Th' Faith Healers.
Pour les ignorants qui ne connaitraient point Th' faith Healers, c'est trois bucherons anglais, une serial killeuse, deux albums sur le meilleur label anglais des années 90 ( à savoir too pure), deux compiles (L' et les peel sessions), quatre EP pour quatre d'existence et une empreinte indélébile dans le rock anglais des années 90 voir au-delà (de mon point de vue hein). Une discographie en dent de scie (pour résumer : imaginary friend : bof ; L' : carte de visite rêche et fort prometteuse mais en deçà des capacités du groupe) mais avec un everest qu'aucun groupe indie, à ma connaissance, n'est parvenu à dépasser depuis 1992, date de la sortie de lido. En quoi lido est un everest au juste ? Simple : lido a su élever la tension au rang d'art . Ça fait un peu juste comme argument me direz-vous. Probablement mais dès que this time vous heurte les tympans, vous savez que vous êtes foutus, que vous en prenez pour trois quart d'heure sans pouvoir vous en défaire, accro à l'adrénaline qu'il dégage. Mais pas une adré polissée, gentille, calibrée pour une jeunesse révoltée en chemise à carreaux et jeans troués, non, là c'est directement Leatherface, le gentil gars spécialisé dans le taillage de bavettes façon XXL, qui vous susurre ses douces contines au creux de l'oreille. Enfin susurrer n'est peut-être pas le terme adéquate, à moins que le papier de verre version tesson pilé soit d'une douceur incomparable à vos oreilles.
Vous l'aurez capté, l'une des singularités de Lido est d'être rêche, très rêche, sans aucune compromission, sans un pet d'humour, carburant à l'urgence. Pour ce faire le groupe a viré les guitares pour les troquer contre des tronçonneuses, dégagé les grilles d'accord pour ne laisser que le strict minimum de notes, n'a pas tenu à s'emmerder également avec l'accordage des instruments préférant laisser ça aux premiers de la classe et surtout a passé des heures voir des jours à réviser son Can pour en saisir la substantifique moelle.Car lido est peut-être l'un des rares descendants valables du groupe Allemand. Cette intransigeance, ce jusqu'au boutisme, ce besoin constant d'expérimenter dans son coin, d'aller au bout de leurs idées rappelle le Can de la grande époque.
A une différence près : Can expérimentait dans un cadre (que le groupe envoyait la plupart du temps valser) pop (pour rappel , vitamin C, mushroom) . Ici, que nenni. Enfin presque. Si le cadre reste pop (morceaux entre trois et six minutes, mémorisables), lido est tout de même joué par une véritable bande de psychopathes. Le guitariste ne joue pas mais scie littéralement ses cordes, chaque coup porté par le batteur semble faire hurler de douleur ses fûts, le chant de Roxanne Stephen n'est pas de plus adaptés ( franchement, quand elle chante l'amour, je n'aimerais pas être le partenaire en question. Il suffit d'écouter love song pour comprendre que sa perception de l'amour est différente de tout un chacun), seul le bassiste semble apporter un équilibre somme toute précaire à cette bande de malades mentaux. Et pour appuyer ma thèse sur la psychopathie de ce groupe, il suffit d'écouter les deux derniers morceaux (et les six précédents), deux extrêmes. Quand le groupe calme le jeu en sortant les guitares acoustiques (it's easy being you), essaie d'être un tant soit peu léger, il ne peut s'empêcher de saboter la chanson en utilisant une sorte de tronçonneuse électrique qui vient la défigurer en plein milieu. Mais le pire dans lido c'est quand le groupe revisite à sa façon madchester ou encore le come together de Primal Scream sur spin 1/2 : ça pue la sueur, le sang, c'est la fête au travers du regard d'un psychopathe que rien n'affecte hormis la vision du sang. On imagine sans difficultés ce morceau en bande son du american psycho de Brett Easton Ellis ou en B.O des chiens de paille de Peckinpah. on imaginerait même tout l'album illustrant ce film.
Pour apporter une note "raisonnable" à cet album de déviants, je dirais que le seul morceau sensé dans ce grand disque, c'est la reprise absolument formidable du mother sky de Can. Le groupe a su en capter l'essence tout en gardant la tension inhérente à l'album. Bref, mother sky s'imbrique dans lido sans qu'on ne perçoive de différence au niveau des compositions.Preuve de la haute tenue de lido.
Alors au vu de la description que je viens d'en faire,vous me direz qu'il faut être un brin pervers pour s'envoyer ça à fond dans la caisse pendant une bonne demi-heure. Je vous rétorquerai que non, bien au contraire. Lido est tellement tendu qu'il sert littéralement de catharsis avant d'aller au boulot. La tension est si vive qu'on se dit que rien ne pourra être pire dans les huit heures qui suivront.Du coup, c'est la zen attitude en arrivant.
Parce que, contrairement à d'autres, j'ai aussi oublié d'être con.
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