Non, rien ne s'arrange, bien au contraire. Je creusais avec les moignons, je devrais bientôt pouvoir attaquer les clavicules.
N'empêche.
Malgré ce début d'année de merde, l'envie est toujours là.
La tête encore et toujours en vrac certes mais : ça bouillonne dans les tripes, les portugaises sont plus au taquet que jamais, la conscience toujours obnubilée par cette pulsion de découverte, toujours à l'affût de nouvelles merveilles.
Et le nombre de ces dites merveilles sorties en ce début d'année, curieusement, est proportionnel aux nombres de merdes qui me sont tombées sur la gueule ces derniers temps. En gros : ça n'arrête pas.
La dernière en date, de merveille bien évidemment, se nomme O' doubt o' stars de Ruby Throat.
Dans l'absolu ça partait plutôt mal. Ruby Throat c'est Katie Jane Garside et Chris Whittingham. Soit un parfait inconnu qui gagne à ne pas l'être après écoute de O' doubt et surtout l'ex braillarde en chef de ce groupe casse-burnes des années 90 Daisy Chainsaw. La gueule du pédigrée quoi. Un truc à se faire porter pâle.
Pourtant O'doubt O' stars a du chien, de la gueule, des arguments à faire valoir. Ruby Throat se veut l'incarnation anglaise du duo américain de grosse feignasses larvaires qu'est Mazzy Star.Une beauté dotée d'une voix identifiable au moindre soupir émis et un guitariste/instrumentiste pouilleux repêché dans on ne sait quelle rue de Londres dont on ne sait rien hormis qu'il grattouille hors-pairement son instrument. Jouant peu de notes mais dont chacune est pesée, emballée, réfléchie avec un soin particulier qui fait mouche à chaque accord/arpège joué.
Présentation faite, similitudes également.Passons aux différences maintenant.
La différence notable entre les deux formations tient du fait que le duo américain puise essentiellement son inspiration dans le rock psychédélique amerloque, en pillant régulièrement le répertoire des Doors, du Velvet, tandis que Ruby Throat a le bon goût de bouffer à tous les râteliers. Que ce soit le folk (anglais, américain, tout y passe pourvu que ce soit bon), le freak folk (merci Fursaxa ou encore Espers) ou encore le blues, tout ce qui peut se composer à l'aide d'une six cordes, qu'elle soit acoustique ou électrique, se transforme en or grâce aux doigts experts de Whittingham (et n'y voyez là aucune allusion salace).
Vous me direz, si la différence entre les deux groupes ne tient qu'à cet argument, pourquoi se faire chier à écouter Ruby Throat ?
Parce que, si vous ne l'avez pas encore compris, les anglais viennent de sortir le meilleur album de Mazzy Star depuis so tonight that I might see. Une sorte de miracle acoustique qui vous scotche dès les premières secondes, ne vous lâche pas pendant près d'une heure et dont la qualité va crescendo. Un petit joyau brut pas exempt de défauts (quelques choeurs inutiles sur forget me nots ou maniérés sur broken machine entre autre ou encore un ou deux solo à la limite de la démonstration) mais dont les sommets, fort nombreux, atteignent de telles stratosphères que la raréfaction de l'oxygène finit par vous en faire oublier les défauts précédemment cités.
C'est quand ils frottent leur folk au psychédélisme qu'ils touchent au sublime (in steerage, broken machine, arctic fox ou wake of swans sont là pour en témoigner). Néanmoins, à défaut de sublime, la plupart des morceaux sont assez exceptionnels, garantis sans OGM, pas d'élevage en batterie, pas de percussions, rien. O'doubt O'stars se la joue extrême artisanale c'est à dire à poil, dans le plus simple appareil, adepte du less is more jusqu'au trognon. Une guitare, une voix, c'est amplement suffisant pour conquérir un espace, l'habiter, le détruire et enfin en créer un nouveau. Mais n'allez pas croire qu'il s'agisse ici d'expérimentations pures et dures, de créer un monde abstrait sur une note étirée ou répétée pendant près de dix minutes (ce n'est pas sapphie de Richard Youngs), non, ici ce sont les mélodies qui priment, c'est l'immédiateté, la pureté, la beauté des chansons qui vous sautent à la gueule sans que vous ne vous y attendiez.
Je ne sais si les conditions d'enregistrement de cet album ( pendant près d'un an sur une péniche) ont influé sur sa qualité mais il émane de O'doubt O'stars une atmosphère unique, quelque chose d'irréel qui culmine dans les deux deniers morceaux (ainsi que les dix précédents me direz-vous). Et quand Katie Jane Garside termine tottenham resovoir en nous susurrant à l'oreille : I'm still listening, la seule action qui nous vient en tête c'est effectivement de reprendre l'écoute, d'appuyer à nouveau sur play, oublier tout et s'abandonner.
Grand album, tout simplement.
Pour tout renseignement voir ici. Je n'ai pas d'extrait de l'album à vous proposer, ce sera donc un extrait de l'album précédent qui donnera une idée approximative d' O'doubt O'stars .
Merci pour cet article. J'ai découvert Ruby Throat (en cherchant qui chantait la chanson "you" - version de Au Pairs que j'avais sur une vieille cassette) hier et je suis encore "sous le choc" de tant de beauté.
RépondreSupprimerA quand un commentaire du bijou "lucky for some" de In Camera (13) - très vieux, mais inégalable