samedi 1 mars 2014

Eliane Radigue : opus 17

Ne le sentez-vous pas dans l'air, là ?? ne le voyez-vous pas ?? Une note par ci, une autre par là, la reprise en main de ce blog semble imminente. Alors, pour fêter cet événement comme il se doit, je vous propose une note sur un disque de  variété française. Normal.
Il y a quelques mois sortait sur un label italien, Alga Marghen pour ne pas le citer, une des oeuvres d'Eliane Radigue, opus 17. Par un accès de feignasserie extrême je ne vous ferai pas l'affront de vous présenter Eliane Radigue , pour cela utilisez google ou wikipedia, je dirais simplement qu'en matière de musique concrète, drone, etc...il s'agit d'une des pionnières et des mètre-étalons du genre. Statut confirmé, s'il y avait besoin, par la sortie de cet opus 17, création musicale de 1970 pour la "fête en blanc" organisée part Antoni Miralda, Joan Rabascall, Dorothée Selz and Jaume Xifra au centre artistique de Verderonne.
Présentation sommaire faite, passons aux choses sérieuses, à savoir le contenu.
Autant vous prévenir : ami de la pop, passez votre chemin. Ne vous attendez pas à de la mélodie à foison, des harmonies vocales élaborées, des changements d'accord toutes les trois secondes et des chansons courtes et mémorables.
Ces cinq pièces d'une longueur de 90 minutes demandent attention et concentration.
 Comme disait Nadine M, porte-parole du mouvement Une Musique Pourrie, philosophe erratique et musicologue avertie, après écoute des 30 premières secondes du morceau étude (et juste avant de s'ouvrir les veines à la petite cuillère)  :
"- Putain mais c'est qui cette Eliane Radigue ???  Elle fait chier son monde à faire de la musique que personne a envie d'écouter tellement ça doit être chiant étant donné qu'il faut libérer 90 minutes de son précieux temps pour écouter son merdisque. Et en plus il y a pas de paroles. Et c'est plein de sons bizarres.Et c'est pas de la musique. Encore une gauchiste hippie qui ferait mieux de bosser. Ou faire de la musique. De la vraie. C'est clair qu'elle restera pas dans les anales celle-là".
Pourtant Nadine, si tu avais persévéré un peu plus, la beauté de ces compositions aurait pu toucher ton petit coeur d'artichaut. Rien qu'étude : son piano fantôme semblant sorti des années 20 dérivant peu à peu vers une musique ambient/drone, fait écho au  fabuleux I am sitting in a room d'Alvin Lucier, enregistré une année plus tôt, en usant du même principe. Le résultat, sur vingt minutes, est d'une beauté confondante.
La suite est pour le moins un peu plus ardue mais toujours aussi scotchante : le harsh d'épure est un peu raide à avaler dans les premières minutes (bon, on n'est pas chez Merzbow non plus hein) mais suivant toujours le même principe, le morceau dérive lentement vers un drone tout en tension, expurgé de tout mouvement rythmique et devient une longue plage fascinante. Le long trip nommé safari est un travail sur le son remarquable (travail dont s'inspirera Aphex Twin pour son monumental selected ambient works vol II soit dit en passant) dans lequel avec quasiment rien Radigue semble sculpter des paysages africains dans lesquels l'auditeur arrive à percevoir en alternance les mouvements des animaux  sauvages et la beauté extatique des paysages.
Je ne rentrerai pas dans le détail des deux autres "pièces" musicales (number 17 et maquette), dans la droite lignée de ce qui a été évoqué précédemment, mais j'ajouterai simplement qu'opus 17, s'il enchante dans un premier temps puis fascine  comme jamais, se permet surtout d'être une oeuvre non seulement remarquable mais surtout absolument passionnante faisant preuve d'une richesse sonore peu commune. Le travail d'Eliane Radigue sur les textures sonores tient du travail d'orfèvre voir de l'oeuvre d'art, pas facile d'accès comme tout disque de drone pur mais en revanche il donne énormément pour celui saura prendre le temps de s'y aventurer. Il peut sembler monotone, pénible mais sous cet aspect rébarbatif, aride, se cache un monde foisonnant d'idées, bien plus varié qu'il n'y paraît.Alors, à l'inverse de Nadine, faites un effort, laissez-vous pénétrer par ces drones enivrants et ce disque formidable. Autrement, si tel n'est pas le cas, et dans un élan de générosité et de tolérance extrêmes, façon Nadine M, je vous enjoins à respecter la devise Belmondienne dans à bout de souffle :  "allez vous faire foutre".
J'ajouterai pour clore cette note que le disque n'est, évidemment, disponible à la vente qu'en vinyle sur tous les bons revendeurs du net à savoir discogs, boomkat et soudohm

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