mercredi 28 novembre 2012

Spain au 6par4

Le concert de l'année. Ni plus, ni moins.
Normal, c'est le seul que je suis allé voir cette année.
Que je vous explique tout de même : je suis allé dimanche, à Laval en Mayenne, voir Spain au 6par4. Non, ce n'est pas la capacité d'accueil des spectateurs de la salle mais bien les mesures de la scène accueillant les groupes.Bande de mécréants va.
Mais je m'égare.
Or donc : Spain.
J'arrive, accompagné de femmes, enfants, veaux, vaches, cochons, enfin en famille quoi, dans ce qui ressemble à l'antichambre d'une EPHAD tant la moyenne d'âge des spectateurs fait peur à voir. Avant que Josh Haden et sa bande n'envahissent la scène, je regarde autour de moi, voir si je suis le seul pré-quadra de la salle, puis me fais peur en me demandant si je ne me serais pas télétransporté à une séance d'enregistrement de questions pour un champion voir des chiffres et des lettres. Limite que je renfilais ma blouse d'infirmier pour la distribution des médocs. Mais hé, pas cons les gars du 6par4 : programmer un concert le seul jour où n'est pas diffusé questions pour un champion, et ce dans le même créneau horaire (entre 18 et 19 heures), relève du génie marketing pur et simple. Chapeau bas les gars.

Qu'à cela ne tienne, le concert commence. Josh arrive, cool, loin de l'image classe du blue moods, avec chemisette, jean, lunettes, gueule mal rasée et coiffure débraillée.Le gars empoigne sa basse, jette un oeil sur sa gauche à son guitariste, sur sa droite à son claviériste puis se retourne et attend le signal de son batteur. Le concert commence par un titre du dernier album. Le son est clair, massif pourtant il semble bien fatigué le Josh, le regard perdu dans ses chaussures ou les yeux clos, c'est au choix, chantant néanmoins divinement. Pour le moment il fait son job, de façon pro mais impersonnelle. Fin du premier morceau, applaudissement polis de la salle. Idem pour le second. Arrive ensuite ray of light et là le concert commence à décoller. Josh prend de l'assurance, se détend et c'est parti pour près d'une heure et demie de concert. Piochant dans tous les albums de Spain, le répertoire se répartit entre quelques morceaux pop de i believe (un ou deux, pas plus), she haunts my dreams pas mal de the soul of spain (normal me direz-vous c'est celui dont ils assurent la promo) et la quasi totalité du blue moods (ne manquera à l'appel que it's so true). La répartition se fait de façon homogène entre morceaux introspectifs et pop mélancolique (magnifique it all went wrong, frissons à la pelle, je vous le garantis). Plus Josh et sa bande déroulent leurs titres, plus il se détendent et meilleure devient la réception du public, la qualité du concert allant crescendo donc. Néanmoins, celui-ci aurait pu être fabuleux si Josh n'avait pas confié la lead guitare à Jean-Michel Apeuprès. Parce que le gars à sa gauche.....comment dire....n'avait ni le toucher, ni la fluidité de Ken Boudakian, guitariste du premier album. Le pauvre hère s'en sortait très bien sur les morceaux rapides, pop, des derniers albums mais alors quand il s'agissait de jouer ceux du blue moods et notamment les soli, c'en devenait catastrophique : fausses notes à répétition, gammes descendues à l'aveugle et soli approximatifs écourtés de façon éhontée. Mes oreilles ont failli  saigner plus qu'à leur tour. Heureusement pour lui les autres musiciens assuraient le sauvetage en vol et rattrapaient ses erreurs notamment le claviériste/guitariste rythmique qui parvenait à se recaler à chaque fin de solo sans que cela ne gêne vraiment de trop pour qui ne s'est pas enfilé quelque centaine de fois le blue moods.

A part ce bémol, récurrent certes, de véritables moments de magie. Le premier rappel, spiritual, d'une limpidité, d'une beauté confondantes. Le morceau à te faire prendre la soutane illico et passer le restant de tes jours à communiquer avec dieu via Josh Haden. Si le morceau passe un peu inaperçu  en fin d'album, en concert il prend une toute autre dimension : spiritual s'adresse curieusement d'abord à l'âme, puis au cerveau et enfin descend aux tripes via l'échine. Le son vous enveloppe, l'orgue vous happe,  vous êtes présent dans la salle mais en état de lévitation permanente. Les larmes finissent même par vous prendre par surprise. L'enchaînement avec untitled #1 permet de redescendre quelque peu mais à peine. La salle, qui attendait ce morceau depuis le début, est à l'unisson du groupe qui semble prendre véritablement plaisir à jouer. Pour preuve, Haden ouvre les yeux sur la salle et voit que nous ne sommes qu'une poignée de spectateurs (une centaine tout au plus) transis d'amour pour sa musique.
En regardant la set-list du concert, une fois le groupe barré de la scène, je vois que celui-ci (le concert; pas le groupe) devait s'achever avec world of blue. La réception du public fut telle sur ce morceau que le groupe n'a pu s'empêcher de revenir jouer deux rappels. Avec cet aparté, j'en viens donc au moment fabuleux du concert : world of blue. Comment dire : si la musique de Spain sait se faire douce, pop, parfois nerveuse, pas grand chose ne pouvait laisser transparaître les quinze minutes apocalyptiques de ce morceau. Celui-ci commence comme sur le disque : basse omniprésente, lente, très lente, très très lente, une note toutes les trois ou quatre secondes, batterie feutrée dans un premier temps. Lentement mais sûrement le morceau monte, la tension devient de plus en plus palpable et là où sur disque le morceau devient quasi évanescent, en concert le chaos finit par l'emporter. Il est vrai que tout au long du morceau et au vu de ce que le groupe était capable de produire sur scène, vient se poser la question des limites qu'il pouvait se donner en matière de chaos. Réponse cinglante : aucune. Le batteur cogne sur ses fûts sans trop se soucier de ses partenaires, Haden et sa basse jouent au métronome et semblent ne plus faire qu'un et enfin les guitaristes ne répondent plus de rien. Au fur et à mesure qu'avancent les minutes, le morceau ne leur appartient plus ou plutôt revient de droit à un autre groupe capable de jouer à deux à l'heure sous tension extrême : Low. World of blue en concert c'est la mue d'un groupe sage, propre sur lui, en un groupe toujours propre sur lui mais nettement plus inquiétant car capable de véritables coups de sang, voir de massacres sous ses airs gentillets .Un truc à vous faire exploser les sonotones et  sauter les râteliers des rares personnes âgées encore vivantes au bout d'un quart d'heure de chaos. Un véritable bonheur avec décrochement de mâchoire, bras ballants et frissons vous secouant la paillasse. Une apothéose.
Après réflexion et évacuation des corps du 6par4, il apparaît tout à fait logique que le morceau suivant world of blue soit spiritual.  Mise à mort plus messe dans un même concert, Spain a pensé à tout.

dimanche 11 novembre 2012

la saloperie du dimanche

Entre le nouvel album de Pelt, le Jessica Pratt, le Brian Eno, le Ka, le Converge, tous d'une exigence incroyables, il faut savoir faire des pauses. La saloperie du dimanche en est une, à mes oreilles.
Ce jour donc une saloperie soufflée par ma femme, encore plus ravagée que je ne le craignais. Anaïs et Didier Barbelivien, en pleine bourre et méchamment en forme, racontant lors d'un clip méchamment inspiré par un David Hamilton en pleine bourre et inspiré leur rencontre pendant un mariage autre.
Jusque là, rien de plus normal me direz-vous. Sauf qu'en se rappelant de ce CO, l'être humain qui me servait de femme la veille s'est retrouvée en soins intensifs en neurologie pour pour rétine cramée, oreilles vrillées et  subite accélération de la dégénérescence neuronale avec dégâts irréversibles suite à une Barbeliviennite aigüe après avoir vu une seule fois le clip des mariés de vendée.
Vous avez vu ring d'Hideo Nakata  ??? La cassette c'est de la pisse de chat à côté de ce clip. Au moins l'avantage dans ring c'est qu'au bout d'une semaine tu crèves d'un coup. Là, tu dégénères et tu mets plus de temps à passer l'arme à gauche. Tu mets de côté tes exigences musicales, tu commences à aimer Yannick Noah, puis les enfoirés, puis Barbelivien. Et là ton entourage sait que tu es foutu.Parce que toi, tu ne sais plus rien, tu n'es plus à même de réfléchir. Toi t'es comme le con : tu ne te rends pas compte de ton état,c'est ton entourage qui souffre.
 Je vous le dis : une bien belle saloperie que ce titre.

dimanche 4 novembre 2012

la saloperie du dimanche

Les années 80 ont été pour ma pomme une équation parfois difficile à avaler. Contrairement aux maths où avec plusieurs inconnues vous deviez trouver une solution, la saloperie que je vais exhumer fonctionne dans le sens inverse. A savoir l'association de plusieurs "stars" pour arriver non pas à une solution mais un inconnu.
Ça vous paraît abscons comme concept ??
Alors laissez moi vous éclairer :
vous prenez deux voir trois stars des années 70/80, vous les associez et vous obtenez un parfait inconnu.
Exemple : vous additionnez Michel Polnareff, Demis Roussos et Mireille Matthieu auxquels vous associez le stop de Sam Brown et vous obtenez le morceau je chante pour qu'elle revienne de Guy Criaki.
Qui ça ??
vous avez tout compris.

samedi 3 novembre 2012

Jessica Pratt :

- Bonjour, j'aimerais une baffe dans ma face s'il vous plaît.
- Bien sur mon bon, j'ai ça en magasin si vous voulez.
- Certes mais je la voudrais pure, épurée, sans un pet de graisse.
- Ah ben ça tombe bien j'ai exactement ce qu'il vous faut. Un premier album qui devrait buzzer sa race dans les jours à venir. Un disque enregistré dans la cuisine, sur le magnétophone de grand-mère. Rappelez-vous, celui qui captait tous les sons surtout les plus incongrus, du pet du chat au miaulement du frigo, quand on appuyait de concert sur play et enregistrer. Mais je m'égare.
Donc vous vouliez du pur, du proche de l'os c'est bien ça ??? Pour ce faire j'ai le premier album de Jessica Pratt. Une voix, une guitare, aucun overdub ( le souffle se permet même d'être présent sur mountain'r lower, entre autre). La légende veut que Tim Presley des excellents White Fence soit tombé raide dingue de Jessica et lui ait créé un label, birth records, rien que pour sortir son album. Ce label sort donc, en vinyle exclusivement, le premier album éponyme de Jessica Pratt. Alors, légende créée pour faire le buzz ou véritable conte de fées ? on s'en fout, le résultat est là : meilleur album folk de l'année, haut la main. Certains vous parleront de Stevie Nicks (dont je ne connais pas ou peu la carrière hors Fleetwood Mac), d'autres de Sibylle Baier (là j'avoue qu'il y a pas mal de similitudes), je rajouterais pour ma part quelques touches de Karen Dalton ou encore, plus proche de nous, Mirel Wagner sans la part d'ombre. Vous me direz, des albums folk limite neurasthéniques on en trouve à la pelle. De Lonesome Sisters à Marissa Nadler, ce ne sont pas les exemples qui manquent. Certes. Mais il se dégage de ce premier album une intemporalité confinant au remarquable. La faute probablement à la voix exceptionnelle de Jessica Pratt. Une voix jouant sur toutes les émotions, hors d'âge, enfantine par moment ( half twain the jesse), ayant fricoté avec le gratin folk écorché des années 60 (de Karen Dalton à Linda Perhacs), semblant revenue de tout la plupart du temps. Par moment une voix sure d'elle, s'affirmant malgré quelques trémolos ( midnight wheels), parfois d'une fragilité touchante (casper), sans fards, nue,qui s'offre sans rien demander d'autre que de l'écoute.
Sauf qu'elle n'a pas à demander l'écoute.
Dès qu'elle articule un son, une note, le silence s'impose de lui-même. Il émane de son chant une spiritualité peu commune, une intemporalité folle comme si Billie Holiday ainsi que d'autres écorchées vives s'étaient incarnées en elles tout au long des décennies passées pour parvenir à un résultat confondant de beauté. Car la pépite que vient de sortir Jessica aurait très bien pu voir le jour il y a une cinquantaine d'années, aux côtés de Bridget St John, d'une Vashti Bunyan, d'une Linda Perhacs ou plus près de nous d'une Gillian Welch voir d'une Beth Gibbons & Rustin' Man. C'est une pépite brute dont il s'agit, enregistrée au plus près de l'âme, sans artifices. Une voix, magnifique donc, et une musique d'un dépouillement rare. Pas de démonstration, aucune virtuosité technique, juste des arpèges placés au bon endroit, des notes sonnant juste, enregistrées, enfin captées, volées oserai-je dire quasi à l'insu de sa créatrice par un producteur qui a su faire la seule chose qu'il était sensé faire à ce moment là  : s'effacer.
Pour laisser non pas la noirceur mais la beauté irradier ce disque lumineux, intemporel, je le répète.

- Ouh la, mais le programme paraît fort alléchant, mon bon monsieur.
- Il est en effet rare de tomber sur de telles pépites. La première écoute vous subjugue, la seconde vous rend accro et enfin à la troisième vous avez l'impression d'avoir toujours vécu avec ce disque. Vous finissez même par  vous demander comment vous avez pu vivre sans jusque là.
Alors vous vouliez de la baffe dans votre face, là je viens de vous présenter ni plus ni moins un des uppercuts de l'année. Si vous aimez avoir mal, l'écoute de ce Jessica Pratt va être un véritable délice. Faites moi confiance.